La Déficience Intellectuelle


Définition

L’ensemble des classifications sont consensuelles sur trois points concernant la définition de la déficience intellectuelle (Bussy & des Portes, 2008). Le premier élément retenu par l’American Association on Mental Retardation, qui reste le plus déterminant et pour certains psychologues, le seul, est un fonctionnement intellectuel déficitaire évalué à l’aide de tests psychométriques standards telles que les échelles de Wechsler (WPPSI III, WISC IV ou WAIS III) en fonction de l’âge chronologique de la personne. Au sein de ces tests, plusieurs épreuves sont proposées évaluant différentes composantes cognitives et permettant de recueillir pour chacune d’elles des notes standard à l’aide de tables de conversion étalonnées sur une population normale. A partir ces échelles, un quotient intellectuel (communément abrégé QI) est déterminé et doit être significativement inférieur à la moyenne attendue pour l’âge chronologique du sujet pour poser le diagnostic de retard mental. La courbe des QI se répartit selon une loi normale ayant pour moyenne un score de 100 et un écart-type de 15. Le déficit intellectuel est donc retenu pour un QI inférieur ou égal à 70 c'est-à-dire – 2 écart-types de la moyenne. Cela reste un QI moyen qui devra être analysé finement par le psychologue car un QI inférieur à 70 n’est pas forcément indicateur d’une déficience intellectuelle, comme nous le verrons ultérieurement avec des pathologies associant plusieurs troubles cognitifs telle que la dyspraxie verbale. Le second point de ces définitions insiste sur une conséquence de la déficience intellectuelle qui est l’incapacité d’adaptation du sujet déficient à son environnement. Grossman (1983) définissait le fonctionnement adaptatif comme « la capacité de relever les défis relatifs à l’autonomie personnelle et à la responsabilité sociale qui sont propres à chaque âge et à chaque culture » ou « comme la qualité des performances quotidiennes pour faire face aux demandes de l’environnement ». Ce terme général inclut les notions de communication, de soins personnels, d’habiletés sociales, d’utilisation des ressources communautaires, d’autonomie, de santé, de sécurité, d’aptitudes scolaires, de travail ou encore les loisirs. Le déficit du fonctionnement adaptatif est défini par une difficulté qui s’exprime dans au moins deux domaines. Le fonctionnement adaptatif s’évalue à l’aide de questionnaires semi dirigés remplis par le psychologue avec les proches de la personne. Le test le plus utilisé dans le monde anglo-saxon est Vineland Adaptive Behavior Scales (Sparrow, Dalla & Cichetti, 1984) ré-étalonné et refondu depuis peu dans une seconde version (Sparrow, Cicchetti & Dalla, 2005). En France, les psychologues utilisent seulement la première version qui fit l’objet d’une traduction et validation sans normalisation sur la population française (Fombonne & Achard, 1993 ; Fombonne, Achard & Truffeau, 1995). Ce questionnaire se subdivise en 4 domaines (compétences langagières, autonomie au quotidien, socialisation et pour les moins de 6 ans motricité) ce qui permet d’évaluer assez largement le fonctionnement adaptatif d’une personne. Pour chacun de ces domaines, une note standard (moyenne =100, écart-type =15), un percentile, un niveau adaptatif et une équivalence d’âge peuvent être calculés permettant ainsi de situer le sujet par rapport à la norme attendue et ainsi de mettre l’accent sur les points forts pour la stimulation et les apprentissages et sur les points faibles pour la rééducation. Le troisième critère des définitions est l’âge du diagnostic qui doit être posé avant 18 ans pour ne pas confondre le retard mental avec une maladie dégénérative ou une démence.

2/ Les causes

La déficience intellectuelle a pour origine une multitude de causes et l’état des connaissances évolue en permanence (notamment avec l’émergence des techniques de criblage du génome telle que la CGH-Array) ce qui permet de découvrir, chaque année, de nouveaux gènes ou anomalies chromosomiques responsables de retard mental. Par exemple, en 1970, 40% des retards mentaux étaient d’origines inconnues et seulement 30 % en 1997 (Georges-Janet, 1997). Cela démontre bien l’avancée des connaissances tout comme l’accroissement des causes génétiques (30% en 1970 et 50% en 1997) et la diminution des causes péri- ou post-natales (10 % en 1970 à 5% en 1997) due à la connaissance et à la diffusion de l’information sur les conduites à risque (prévention maternelle infantile, syndrome du bébé secoué, …).

 On classifie les causes de retard mental en deux catégories : les causes innées et les causes acquises. Selon le recensement de Curry et al. (1997), les causes innées sont plus nombreuses que les causes acquises. Pour une revue détaillée et exhaustive, nous invitons le lecteur à lire le livre de L’Abbé et al. (2004).

Les principales causes innées sont d’ordre organique. En effet, il existe  plus de 700 anomalies et environ 1200 syndromes identifiés (Collignon, 2001) responsables de retard mental. Les causes innées sont surtout représentées dans les retards mentaux sévères à profonds. Parmi celles-ci, on retrouve les anomalies chromosomiques et les génopathies.

On distingue deux types d’anomalies chromosomiques : les anomalies de nombre (augmentation ou réduction du nombre de chromosomes visibles, sur un caryotype) et les anomalies de structure (modification de la forme et de la taille des chromosomes). Certaines pathologies qui feront l’objet de nos travaux  seront beaucoup plus développées que les autres.

 Les anomalies de nombres

Une cellule normale comprend vingt-trois paires de chromosomes et est dite euploïde. Si des anomalies de nombre apparaissent, on parlera de polyploïdie (addition de l’ensemble de tout un complément de chromosome) et d’aneuploïdie (augmentation ou réduction d’un ou plusieurs chromosomes). Parmi ces dernières, les trisomies sont les causes de retard mental les plus fréquentes devant les monosomies (ex. syndrome de Turner, 45X au lieu de 46XX). Les trisomies sont la résultante de la non-disjonction de deux chromosomes homologues au cours de la méiose. Elles peuvent se produire pour l’ensemble d’un chromosome ou pour une partie seulement (ex. trisomie 9p : duplication partielle du bras court). Tous les chromosomes peuvent subir une augmentation de nombre avec plus ou moins de répercussions, certaines trisomies pouvant être létales très précocement.

La trisomie 21 (trois chromosomes 21) ou syndrome de Down représente l’anomalie chromosomique la plus connue et la plus fréquente. La prévalence est d’environ 1 pour 1000 naissances. Les caractéristiques morphologiques sont typiques du syndrome et permettent une identification précoce. On retrouve un faciès particulier dit « lunaire », une hyperlaxité ligamentaire, des malformations cardiaques, une hypothyroïdie...etc. Le retard mental est habituellement léger à modéré. L’âge de la mère est un facteur de risque de trisomie 21. en effet, les femmes de plus de 38 ans ont un risque accru de donner naissance à un enfant présentant une Trisomie 21. Le risque pour une femme de 20 ans d’avoir un enfant Trisomique 21 est de 1/ 1667 alors qu’il est de 1/385 à 38 ans.Le descriptif du fonctionnement cognitif de ce syndrome est développé au chapitre 1.3.2.1.

 

Les anomalies de structure

Elles correspondent à des cassures, équilibrées ou non, du chromosome suivies ou non d’un recollement sur le même chromosome ou sur un autre. Lorsque les cassures sont déséquilibrées, la quantité de matériel génétique est modifiée (gain ou perte). Il existe 7 types d’anomalies de structure : 

-         les délétions : perte d’une partie du matériel chromosomique (ex : microdélétion 22q11.2 ou syndrome de Di George ; microdélétion 7q11.23 ou syndrome de Williams-Beuren).

-         les inversions : deux cassures se produisent sur le même chromosome et sont suivies d’un recollement après inversion du segment intermédiaire.

-         les insertions : déplacement d’un segment chromosomique sur un autre emplacement du même chromosome ou d’un autre chromosome.

-         les duplications : présence en double exemplaire d’un segment chromosomique.

-         les translocations : échange de segments entre deux chromosomes non homologues.

-         les chromosomes en anneau : cassure à chaque extrémité d’un chromosome puis recollement avec perte des segments distaux.

-         les iso chromosomes : chromosome anormal formé de deux bras courts ou longs du même chromosome avec perte de l’autre bras. 

Les génopathies correspondent à la deuxième grande classe de causes innées de retard mental. Ces pathologies sont dues à des mutations géniques. Il existe de très nombreuses génopathies qu’il n’est pas utile de développer plus ici par soucis de clarté. Il est habituellement distingué les génopathies autosomiques récessives ou dominantes (par ex. le syndrome de Smith-Lemli-Opitz, la sclérose Tubéreuse de Bourneville ou encore la Neurofibromatose de Type 1) des génopathies récessives ou dominantes liées au sexe (Curie, Bussy, André; Ville, des Portes, 2008 ; voir aussi le déficit du transporteur de la créatine, Lion-François, Cheillan, Pitelet, Acquaviva-Bourdain, Bussy, et al., 2006 ; ou encore le syndrome ARX, Curie, Sacco, Bussy et al., 2009). Parmi ces dernières, le syndrome de l’X-Fragile est la deuxième cause de retard mental après le syndrome de Down et la première cause de retard mental héréditaire chez les garçons, représentant 2% des cas de déficience intellectuelle chez les hommes (Pulsifer, 1996 ; voir également le N° 106 de la revue A.N.A.E. coordonné par des Portes et Bussy). Ce syndrome est dû à une mutation du gène FMR1 qui se trouve sur le chromosome X (localisation : q27.3).Dans la population générale, la région promotrice du gène FMR1 comprend 50 répétitions d’une séquence de triplets de nucléotides (CGG : Cytosine-Guanine-Guanine), alors qu’elle se répète entre 55 et 200 fois chez les personnes qui seront dites prémutées (ex. les mères des individus X-Fragile) et qu’elle se répète plus de 200 fois chez les sujets porteurs du syndrome. Lorsque la mutation est complète, la protéine FMRP n’est plus fabriquée ce qui entraîne le syndrome de l’X-Fragile dont la prévalence est plus importante chez les garçons (1/5000) que chez les filles (1/8000 ; Crawford et al. 2001).

Les causes acquises sont moins nombreuses que les causes innées mais représentent tout de même un groupe de plusieurs pathologies. Le plus généralement, elles se définissent par la période du développement où survient l’incident.

Ainsi, les premières causes sont celles qui interviennent durant la grossesse. La consommation de « drogues » (tabac, drogues dures, alcool…) pendant la grossesse est un facteur de risque important. La consommation d’alcool de la femme enceinte entraîne le syndrome d’alcoolisation fœtale chez son enfant (1/2000 naissances, retard mental dans 50% des cas avec une dysmorphie caractéristique du syndrome). L’absorption de certains médicaments peut également être la cause d’une déficience intellectuelle. Durant le premier mois de grossesse, le Valproate de Sodium ou de la carbamazépine, deux médicaments indiqués dans le traitement de l’épilepsie peuvent provoquer des malformations cérébrales et/ou une déficience intellectuelle.

Les maladies sexuellement transmissibles (HIV notamment), les incompatibilités sanguines Rh, l’exposition à des radiations, les infections virales (rubéoles, CMV, toxoplasmose,…) sont autant d’autres causes d’handicap neurologique d’origine prénatae.
Les origines périnatales, c'est-à-dire qui entourent la naissance, sont également nombreuses. La première des causes appartenant aux troubles intra-utérins est la prématurité. Elle se définit par la naissance avant le terme c'est-à-dire avant 37 semaines d’aménorrhée et lorsque la naissance intervient avant 33 semaines, on parlera de grande prématurité. Les conséquences de la prématurité sont très variables, allant de l’absence de trouble au décès dans les premières semaines de vie en passant par les troubles moteurs (notamment Infirmité Motrice Cérébrale) ou le retard mental. Les souffrances fœtales représentent un autre sous-groupe de pathologies périnatales, sont responsables d’encéphalopathie-hypoxique-ischémique et sont essentiellement liées à des accidents lors de l’accouchement. Par ailleurs, des germes portés par la mère (streptocoque, E-Coli, listéria) sont responsables de méningites bactériennes anténatales. Les anoxies (noyades), les traumatismes crâniens, les tumeurs cérébrales, les infections (encéphalites, méningites…) et les troubles toxico-métaboliques (intoxication au mercure, au plomb…) constituent les causes postnatales.

 

Qui consulter ? 


Si vous craignez que votre enfant ne présente une déficience intellectuelle, une consultation auprès d'un médecin spécialiste est nécessaire dans un premier temps (neuropédiatre notamment). Ensuite, un psychologue ou neuropsychologue effectuera le test de QI et l'examen du fonctionnement adaptatif qui poseront le diagnostic. Des examens médicaux seront certainement pratiqués pour rechercher la cause (IRM, analyse génétique, ...) mais cela est déterminé par le médecin qui vous a prie en charge.
 

 
 



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